Criant de vérité!

Publié le par actionfrancaise

   « Bon, on rentre ? »

    « Il n’est que 4 heures… »

    « Et alors ? »

    « Ben il s’appelle comment ce merveilleux événement citoyen et festif auquel nous avons choisi de participer ? »

    « La Nuit Blanche… »

    « Et oui, exactement ! « La Nuit Blanche » ! Pas « La moitié de Nuit Blanche », pas « La Nuit où on rentre  un peu plus tard » ni « La nuit qui s’arrête à 4 heures du matin parce qu’on est fatigué »… Non, c’est « La Nuit Blanche ! » donc nuit blanche nous ferons… »

    « Mais je suis vraiment crevée … »

    « Et alors ? Quelqu’un  a dit que ça allait être facile ? Vivre dans la capitale de la teuf artistico-branchée, la Mecque du noctambulisme  libertaro-équitable, ça se mérite ma grande ! »

    « On a quand même déjà fait deux concerts de rap, un concours de Slam, trois expos et deux performances… »

    « Il y a un artiste hongrois qui se suspend par les tétons à la voûte de l’Eglise Saint-Eustache , il paraît que c’est incontournable… « 

    « Mais c’est à l’autre bout de la ville ! »

    « Et bien justement, nous allons profiter d’une belle marche nocturne dans Paris, rythmée par les échos des sets de DJ urbains et des concerts de techno noisy !  N’est-ce pas stimulant ?!»

    - « Pas franchement… Honnêtement Frédéric, Je me sens pas vraiment à l’aise, j’ai un peu peur avec tous ces… »

    « Tous ces quoi ? »

    « Ben tous ces… »

    « Fais bien attention à ce que tu vas dire Catherine-Anne, tu sais que je ne supporterais que sorte de ta bouche un propos discriminant ou krypto-lepéniste ! »

    « Toutes ces bandes je veux dire… »

    « Quoi ? Tu parles de ces bandes de jeunes gens qui viennent animer les rues de leur joyeuse turbulence et de leur gouaille inventive et colorée ? Ces bandes de jeunes gens qui, bien que défavorisés, sont avides de la culture cosmopolite et progressiste à laquelle la municipalité leur donne accès lors de cette nuit magique ? »

    « Heu non, je parle de ces bandes de racailles qui insultent les passants et font chier les filles… »

    « Pas ce langage s’il te plait ! Pas toi ! Souviens toi que ton grand-père a été déporté ! »

    « Je ne vois franchement pas le rapport et j’ai envie de rentrer… »

    « Tu ne peux pas faire ça ! Si tu rentres maintenant c’est comme si tu crachais sur tout le travail réalisé par Bertrand et son équipe pour nous offrir Paris tel qu’il est aujourd’hui, débarrassé de ses prolos crasseux et bas du front, remplacés enfin par des gens ouverts et tolérants venus d’un peu partout ! Tu ne te rends pas compte de tous les combats qu’il a fallu mener pour en arriver là ! Tolérer voir encourager la spéculation immobilière, par exemple, pour un élu socialiste, ce n’est pas facile en principe, mais il fallait bien en passer par là si l’on voulait que les classes moyennes et populaires franchouillardes laissent la place aux CSP+ et aux logements sociaux accordés aux immigrés, ces deux catégories qui font aujourd’hui toute la saveur et l’attractivité de la ville ! Et la promotion du roller et de la trottinette face aux résistances des ploucs à bagnoles, tu crois que cela a été simple et aisé ? Non franchement, tu ne peux pas insulter tout cela en allant te coucher comme une petite bourgeoise conservatrice… »

    « Ecoute, cela fait trois fois qu’un de tes merveilleux néo-gavroche beugle que je suis habillée comme une pute, je commence à trouver ça pesant… »

    « C’est parce que tu ne maîtrises par leurs codes ! Dans leur bouche un peu rustre, c’est une sorte de compliment… »

    «  Super… En tout cas, tu peux faire ce que tu veux, mais moi je rentre… »

    « Pffff… finalement je crois que tu ne t’ais jamais vraiment libérée de ton éducation catholique… Les bahuts privés t’ont gravement abîmée… »

    « Ha parce que toi, fils de dentiste et d’avocate, tu étais en cours au LEP de Sarcelles peut-être ? »

    « Non, mais j’étais dans le public moi, madame ! »

    «  A Louis-le-grand ! »

    « Ben c’est public non ? »

    « Je rêve…  Bref, moi je rentre… »

    « Ok,ok.. Tu as gagné, j’appelle un taxi… »

A peine Frédéric eut-il sorti son Iphone V de la poche intérieure de sa veste en alpaga anthracite qu’il fut entouré de 4 ou 5 joggings à casquettes. Ce fut davantage de la déception que de la douleur qu’il ressenti en recevant la première gifle. Vraiment ces jeunes gens se trompaient de cible en s’en prenant à lui qui depuis toujours, de SOS racisme au droit de vote des étrangers en passant par la marche des beurs, avait toujours milité avec confiance et enthousiasme pour eux… C’est avec le coup de pied reçu dans le ventre qui le plia en deux et lui fit lâcher son téléphone qu’il commença à vraiment avoir mal… La suite ne fut qu’une longue souffrance, la pluie de coups martyrisant toutes les parties de son corps, sans exception. Bientôt il s’effondra sur le trottoir, au milieu des flyers de soirées abandonnés sur le sol et que son sang vint bientôt maculer.  Encore quelques coups de pieds dans les côtes et il s’évanouit, ce qui lui évita d’entendre les hurlements de terreur de Catherine Anne mêlés aux rires des voyous qui avaient déjà passé les mains dans son corsage et sous sa jupe.

Xavier Eman, in « Livr’arbitres Hors-série numéro 1, Cahier parisien »

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